Le bidonville! Un mot pour nous en France, mais concrêtement qu'est-ce que c'est? Ici pas de photo, juste une image de la réalité. Il y a les quelques "maisons" en bâche, tôle et planches sur le bord de la route. A l'intérieur des pots, de la vaisselle, des icônes de divinités. Une femme est couchée sur la chaussée avec sa petite fille devant leur "propriété". A côté il y a un coiffeur, dans la rue; plus loin un type qui casse des bouts de faïence et de verre en plus petits morceaux. Un autre écrase des cannettes métalliques à coups de marteau. Celles-ci ont peut-être été récoltées par un enfant. Tiens, en voilà un justement, il doit avoir 5 ans. Il transporte des petites bouteilles en verre dans ce qui fût l'emballage plastique d'un pain de mie. Ici les déchets font vivre tant de gens. J'ai changé mes habitudes; jamais je ne compresse une bouteille plastique avant de la jeter. Il y a aussi un forgeron. A même me sol, il fabrique des burins sur une enclume de fortune. Son assistant tourne la manivelle du petit souffleur qui alimente en air l'âtre de son four formé de trois ou quatre briques. Des enfants, ceux qui sont assez grands, jouent au cricket. (D'ailleurs, à ce propos, si vous voulez créer une révolution en Inde c'est simple, il suffit d'interdire le ciment qui lie les éléments de la société ensemble : le cricket!)

Entrons maintenant à l'intérieur d'un bidonville à proprement parler car nous étions jusque là dans une rue "classique" où se sont installés quelques barraques, juste en face de quelques bijouteries! Entrons dans un bidon - ville. Une petite ruelle part depuis une grande artère. C'est l'entrée. Dès le début c'est... différent. Il y a des chèvres; c'est plus étroit; il y a des bruits qui se mélangent maius ce ne sont plus ceux des klaxons. Au fur et à mesure que l'on s'enfonce à l'intérieur, la route change de dimension. D'abord réalité-bitumée, puis anecdote-cailouteuse, souvenir-poussiéreux et enfin imaginaire-boueuse. On a l'impression d'un labyrinthe et pourtant il n'y a pas 36 chemins. Maintenant les chèvres et les boucs sont partout. Les chiens aussi. C'est un grand mélange. Il y a un boucher et ses trois ou quatre morceaux de viande suspendus qui en attendant d'être vendus font le bonheur des mouches. Le coiffeur, le "répareur" de... tout sans doute, le boulanger, un vendeur de gadgets et quincaillerie ambulant. Bref, c'est un alignement sinueux de minuscules boutiques, ateliers d'artisans, vendeurs en rang serrés. Il y a aussi un atelier de peinture. Au pistolet avec un mouchoir-de-protection-homologué en guise de masque, des travailleurs repeignent une voiture.Dans un bidonville tout le monde est actif. La surpopulation est encore plus oppressante. Est-ce parce que tous sont dehors puisque l'intérieur est trop étroit ou parce qu'ils sont effectivement plus nombreux? Et puis on retrouve des jeux qui ont disparus chez nous : la course de pneu apprivoisé par les petits coups précis d'un bâton qui prolonge le bras d'un enfant; la toupie propulsée par une ficelle tirée d'un coup sec puis que l'on enroule soigneusement avant de relancer. Il y a aussi le cours d'eau, la petite rivière. Certains osent ils y faire leur lessive? En tout cas l'eau y est noire et couverte de détritus, de plastique, qui forment une sorte d'écume épaisse, de croute.

Et puis, on voit une moto; puis deux. Une école. Une voiture qui roule. A 200 mètre un bâtiment flambant neuf. Ca y est; c'est la sortie du bidonville. C'est la sortie d'un monde vers un autre. On vit dans un monde physique unique mais presque dans des dimensions parallèles, des réalités différentes qui existent en même temps. Où est l'unité? Même espèce, même degré d'évolution mais des vies si différentes.