Nous sommes dans un appartement à Andheri. C'est le matin il y a de l'eau au robinet puisque le water tank vient de livrer, la citerne de l'immeuble est donc pleine. Premier réflex au lever : remplir des bassines puisque nous n'avons pas l'eau toute la journée et surtout la chasse d'eau ne fonctionne pas, hem! Et voilà la salle de bain avec les bassines et la douche sans cabine. C'est chouette on nettoie les WC en même temps.

Ceci étant fait je vous propose de partir à l'école. Il faut traverser la rue pour prendre un rickshaw. Aaaahhhh.... la traversée de rue. Toute une aventure. Voilà comment procéder : 1) s'approcher du bord de la route (en fait on ne sait pas vraiment quand il commence ni où finit le trottoir). 2) Courir pour éviter de se faire écraser (être bien attentif aux klaxons car en Inde on conduit à l'oreille) 3) ralentir pour ne pas se faire écraser 4) Sauter sur le terre plein central en faisant attention aux barbelés 5) Courir jusqu'au trottoir quand il y en a, ou du moins le bord de la route de l'autre côté.

Effrayant au début, puis amusant, ça devient vite une habitude.

Voici donc la rue en bas de chez moi à traverser quotidiennement. Vous constaterez qu'on ne peut pas identifier formellement le nombre de voies de circulation où se mèlent bus, rickshaws, motos, camion, piétons charrettes etc.
Au passage, notez la taille du panneau publicitaire comme il fleurit de nombreux à Bombay.

Les 15 minutes de trajet offrent aux sens le ballet incroyable des véhicules. Les klaxons de bus (grosse poire en caoutchouc vert reliée à un pavillon cuivré), les inscriptions sur les camions "Horn OK please", la course entre les rickshaws pour se faufiler entre les énormes trucks TATA multicolores, les taxis jaunes et noirs avec des guirlandes qui pendent à l'arrière et des petits temples clignotants à l'intérieur. Et toujours la mélodie incessante des klaxons. Aux feux, la fébrilité est telle que l'on attend le vert au milieu du carrefour! Les feux ne fonctionnent plus? Il y a toujours quelqu'un qui descend de sa voiture pour faire la circulation en attendant la police! Chaque carrefour est une sorte de microcosme où une économie s'est développée : des enfants viennent vous vendre des fleurs, certains sourient, d'autres non. A chacun sa technique. Certains sont "juste" pauvres d'autres sont exploités par la mafia qui gère l'ensemble des carrefours du quartier. On vous tend un moignon! Des femmes et des hommes mendient, d'autres essaient de vendre des fruits, des livres, des cahiers de coloriage, des ballons, des portes bonheur, des peignes etc. Ça varie selon les périodes et les marchandises reçues par ceux qui gèrent ce commerce. On croise aussi des eunuques. Le feu passe au vert! C'est reparti. La poussière décolle avec les roues qui se remettent en mouvement. La vitesse rafraichi un peu l'air. Juste derrière ma tête, les enceintes font hurler "Rock'n Roll Soniye" le tube du dernier film d'Amitabh Bachchan.

Ah! On passe devant des gens qui vivent sur le trottoir. C'est assez curieux. La première fois que j'ai pris ce chemin il n'avaient que quelques chataï (tapis). Au fil des semaines ils se sont installés. Maintenant ils ont des moustiquaires, une grosse malle en métal, des bidons en plastique, une grande casserolle. D'ailleurs deux femmes sont en train d'éplucher des légumes. Les enfants jouent avec un morceau de bois. Une fille se lave les cheveux. Le chef de famille a désormais des écouteurs pour écouter sa radio. Il fabrique des portes bonheurs (un citron et trois piments traversés par un fil métallique. En l'accrochant au pare choc des voitures on évite d'autres accrochages...). Parfois il fabrique des bas reliefs en plâtre représentant des divinités qu'il peint et vendra au carrefour. On à l'impression d'une maison ouverte. On rentre dans l'"intimité" de leur vie. Sans trop d'imagination on voit la cuisine, la chambre commune, l'atelier. Sauf qu'il n'y a ni murs, ni toit, juste le trottoir. La dernière fois où je suis passé, un cours était dispensé à trois ou quatre enfants sur un tableau noir!

Après une matinée studieuse je vous propose d'aller manger un morceau dans la rue, juste sur le trottoir de l'école, c'est meilleur qu'à la cantine : dosa (galettes de riz fourrées à la pomme de terre), grilled sandwiches épicés, vada pow (pain fourré avec un beignet de légumes fris, samosa. Il y a l'embarras du choix. La première échoppe en sortant a accroché à un arbre son trophée de meilleur vada pow de Mumbai! Et pour finir en beauté on prend un chaï, le thé indien (avec du lait, du sucre et des aromates comme la cardamone)

Voici le meilleur endroit pour manger un grilled sandwich! J'y vais plusieurs fois par semaine.

Alors là j'avoue! Ce n'est pas le chaï shop le plus propre qui soit mais c'est la meilleure photo que j'ai.

Cet après-midi nous allons nous promener dans le sud de Bombay. Pour parcourir les 20-30 km, plusieurs options s'offrent à nous : le bus (1h30 de trajet minimum pour 47 roupies en climatisé), le taxi (un peu plus d'une heure et au moins 150 roupies sans clim), le train (30 à 45 minutes pour 10 roupies)! La solution est toute trouvée. Seul inconvénient, il va falloir affronter le monde. Même avec l'habitude ça reste très impressionnant de voir la masse humaine qui déborde par les portes ouvertes. A peine le train en gare il faut passer à l'action. Il roule encore mais les gens commencent à monter et descendre en même temps. Il faut jouer des coudes pour pouvoir grimper à bord en heure de pointe. D'ailleurs, certains voyagent sur le toit; la tête à quelques centimètre des caténaires. Pour mieux imaginer, dites-vous qu'il m'est arrivé en descendant de remonter dans le train poussé par les gens qui montent!!! Voilà une expérience à vivre. Une fois à bord, il faut éventuellement entamer la traverser en largeur du wagon si votre descente se fait de l'autre côté. Le temps de deux ou trois stations est nécessaires pour parcourir les 2 ou 3 mètres séparant les deux portes! Voilà une photo de la descente au terminus de Andheri le soir...

Puisque nous sommes en gare, j'en profite pour me faire cirer les pompes! Voilà encore un aspect de l'Inde qui rend la vie plus facile qu'en France. Dans toutes les gares vous êtes interpelés par les coups que les cireurs donnent sur leur boite en bois pour attirer le client. Pour 5 roupies (9 centimes) ils vont en 2 ou 3 minutes faire briller vos chaussures comme jamais. Je pose mon pied sur le support : dépoussiérage puis étalage du cirage (avec un bâtonnet ou au doigt directement). Un coup sur la boite m'indique qu'il faut changer de chaussure; même traitement pour la deuxième. Un nouveau toc sur la boite, je change à nouveau de pied. Maintenant il passe la brosse tout autour de la chaussure avec énergie et précision. Toc toc. On change de pied. Dernière étape : avec un petit chiffon il va donner un brillant incroyable. Résultat... C'est systématique, pendant 10 minutes on marche les yeux rivés sur ses chaussures tant leur éclat est hypnotisant! Et puis, petit à petit, on se met à regarder les chaussures des autres et à les comparer aux nôtres!!!

De même si votre talon est décollé? En 5 minutes et à l'aide d'une bonne aiguille c'est réparé! Dans le même esprit, vous allez aimer vous peser!!! Dans toutes les gares il y a des balances multicolore avec des loupiottes qui clignotent et des parties mobiles derrière une vitre (ci-dessus à gauche sur la photo). Encore plus folklorique, les balance dans la rue. Vous vous promenez et soudain une envie de pesée vous prend! Pas de problème, il y a un petit monsieur accroupi à côté d'une balance domestique qui, pour une roupie, vous permet d'utiliser son appareil. (très pratique pour peser son sac avant de prendre l'avion et éviter les excédents de bagage!)

En revanche, je vous déconseille d'accepter les services des cireurs "à la sauvette" . Il vous tiendront, de manière troublante, tous le même discours, avec les mêmes mots, quel que soit le quartier. Ce qui laisse soupçonner une organisation derrière tout ça (genre de mafia comme pour le commerce des carrefours?): "Je viens du Rajasthan. Tu connais le Rajasthan? J'habite à Jaipur. Je suis venu travailler ici pendant que ma mère et mes soeur sont restées. Mais je ne gagne pas beaucoup d'argent. Je ne veux pas qu'elles mendient. (un temps) Pour pouvoir m'en sortir il faudrait que je sois dans une gare mais pour ça il faut que j'ai une boite de cireur. (un temps) Tu veux bien m'aider? Il faudrait que je puisse acheter une boite..."

En se promenant en ville on peut voir aussi des prestataires de services aguicher le client en étalant leurs outils de travail sur le trottoir...
Je veux parler de maçons, de bricoleurs, plombiers etc. Voilà à quoi cela ressemble.

Quand j'ai dû faire un double de clé pour mon appartement, il a suffit de marcher 2 minutes pour trouver quelqu'un qui faisait ce genre de travail. La boutique de l'artisan se compose simplement d'une petite armoire métallique rouge vissée dans le trottoir. Il prends votre clé. Choisi un patron. Vous pouvez sélectionner parmi deux qualités de métaux (un qui colle à l'aimant de bonne qualité et un autre qui ne colle pas qu'il vous déconseille). Il serre les deux clés l'une contre l'autre avec une pince à vis. Puis il s'installe sur un petit banc en calant l'ensemble entre ses orteils. Le travail commence : il choisit méticuleusement une lime puis il n'y plus qu'à suivre les contour de la clé d'origine!!! Et le mieux dans l'histoire c'est que ça marche!!!

Il faut vivre la surpopulation Indienne pour comprendre que tout ces petits métiers sont indispensables car ils font (sur)vivre une grande partie de la population. Des travaux qui pourraient être faits par une seule personnes sont ainsi parfois fragmentées pour permettre à chacun de travailler.

En sortant de Churchgate (l'une des deux principales gares du sud de Bombay). On peut voir des gens décharger un camion. Ils viennent du quartier des pêcheurs de Coloba situé à deux pas d'ici. Les corbeaux regardent la manœuvre avec un certain intérêt. Tout se poisson va maintenant prendre le train vers la banlieue pour alimenter les marchés et sans doute les restaurants.

Un peu plus loin il y a un coiffeur. Celui-ci est ce que l'on appelle un UMT (Under Mango Tree / Sous le Manguier). Les UMT, ce sont ces coiffeurs l'on trouve partout dans la rue et qui n'ont besoin pour exercer que d'une paire de ciseaux et d'un arbre et guise de parasol, un manguier par exemple! On rencontre donc l'extrêmement rudimentaire : un coiffeur et un client accroupis face à face et une paire de ciseaux; ou par par exemple une chaise pour le client et un muret pour les outils et le miroir du coiffeur. Ou encore, comme c'est le cas ci-dessous carrément un salon couvert (par une bâche) avec plusieurs coiffeurs-barbiers-visagistes! Bon! un peu d'imagination, allons!

Rassurez-vous on trouve aussi des "vrais" salon de coiffure comme chez nous. Personnellement je n'ai osé me faire couper les cheveux qu'à deux reprises en un an. La première fois dans un salon d'environ 3m² avec deux fauteuils à l'intérieur (chacun son miroir, et un lavabo) mais la salle d'attente sur le trottoir. Le résultat était... comment vous expliquer... hum, disons... surprenant! C'est mon tour. Je m'assieds. Et là le coiffeur regarde mes cheveux d'un air dubitatif. Apparemment il n'avait jamais vu une callosité pareille. En observant ses yeux perdus dans le miroir j'ai compris ce qui se passait dans sa tête. Et pour toi lecteur, en voici la retranscription : "Ah! ... Bon... hum... ggnnnnniiii. Pfiouuff. Qu'est-ce que? Pourtant...". Il a donc décidé d'en référer en Hindi à son supérieur pour savoir comment me coiffer. Ce dernier lui dit : "tout en arrière!". Et maintenant place à l'action. Je suis tombé sur un gars qui avait une technique particulière. Première étape : faire passer TOUS mes cheveux sur le côté droit de ma tête. Puis il coupe ce qui dépasse. Ensuite : faire passer TOUS mes cheveux sur le côté gauche de ma tête et couper ce qui dépasse. Et enfin même chose en tirant tout vers l'arrière. C'est assez douloureux comme méthode. Achever en coupant un peu partout avec une précision pifométrique, MAIS vraiment du bout des ciseaux. Et voilà! En cours d'opération, j'ai eu beau lui demander de couper d'avantage, il n'y a rien eu à faire. Il refusait! En fait les indiens ne coupent pas les cheveux très court. C'est comme ça! Pendant que je me faisait coiffer mon voisin se voyait prodiguer un massage du visage. On lui applique du produit puis on l'étale à l'aide d'une machine qui ressemble à une sorte de perceuse dont la mèche est remplacée par un disque en plastique. Pour en revenir à ma coupe, le résultat était moderne voire visionnaire avec une coupe asymétrique. Ceci dit je n'ai payé que 20 roupies (40 centimes). La deuxième fois, je suis allé dans un salon d'un standing supérieur. Cette fois, le coiffeur à dû comprendre "head cut" au lieu de "hair cut" puisque j'en suis ressorti avec la nuque en sang. Lui m'a dit que ce n'était pas grave! Alors ça va!